La Gnose

Rappel du premier message :

D'après l'introduction du livre "Les écrits gnostiques" dans la collection "La Pléiade", la gnose serait peut-être antérieure à la religion hébraïque et trouverais son origine quelque part dans l'actuelle Irak.
De par sa nature syncrétique, elle se serait mêlée à la religion juive et aurait constitué une secte juive qui fût rejetée et aurait ensuite intégré des éléments de christianisme.
Je pense qu'il faut bien avoir cela à l'esprit lorsqu'on entreprend l'étude de la Gnose.
Il faut rechercher alors l'idée sous-jacente en la détachant de sa figuration au travers d'images reprenant des récits bibliques.

Edit : si un modo passe par là, serait-il possible de mettre une majuscule à "Gnose" dans le titre ? Merci

Sod a écrit:A partir de sources iraniennes et spécifiquement mazdéennes, Reitzenstein reconstruit un mythe de l’Homme primordial. A la fois puissance cosmogonique et principe anthropologique, cette figure mythique fournirait la matrice de la christologie faisant de jésus de Nazareth l’incarnation d’un être divin préexistant qui est aussi bien le Logos créateur du monde que le rédempteur de l’Humanité perdue et le précurseur d’une nouvelle humanité. »

"Le recours de Jean au concept de Logos dans le prologue de son Évangile peut surprendre; Mais cet usage est conforme aux tendances du judaïsme contemporain où le Logos, Memra ou Dabar s'affirme comme un être préexistant identifié à Dieu. Il est en profonde connivence avec la nature du Dieu biblique qui prend l'initiative de s'adresser au hommes. L'identification de Jésus avec la parole efficiente de Dieu n'apparaît pas seulement chez Jean mais aussi chez Luc."5

Dans la théologie chrétienne, « Logos » s’emploie pour désigner la deuxième personne de la Trinité chrétienne1 et a le même sens que « verbe, parole » : Jésus, le Christ. L'origine de cette désignation vient de la Bible même :

« Évangile selon Jean, chapitre 1 :

[1] Au commencement était la Parole, et la Parole (logos) était avec Dieu, et la Parole (logos) était Dieu. [2] Elle était au commencement avec Dieu. [3] Toutes choses ont été faites par elle, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans elle. [4] En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes. »

L’analogie du Logos de Jean avec celui des targoum d'Israël est profonde : Identité du Logos et de Dieu, Logos créateur, Logos lumière, Logos omniprésent, Logos médiateur de l'Alliance, Logos de vie, Logos protecteur d'Israël6.

Le Logos chrétien est la Parole vivante et créatrice du Christ dans le Nouveau Testament.

« Psaumes 33:9. Après tout, c'est par sa parole que tout a été créé. »

https://fr.wikipedia.org/wiki/Logos

Barbe Rousse a écrit:C'est pour ça qu'il vaut mieux dire "je ne sais rien".

Rien en effet ou fort peu de choses, mais justement, on pourrait établir une distinction entre réfléchir et savoir…Si le savoir implique l’accumulation de connaissances, la réflexion quant à elle peut s’appuyer sur une connaissance minimale, ceci de sorte à la faire fructifier. Et ce serait peut-être à ce niveau qui serait celui de la réflexion que pourrait s’exprimer notre essence créative, besoin d'expression qui à mon avis légitimerait cette volonté d'augmenter son savoir.

En effet, le savoir enrichit la réflexion ; disons pourtant qu'à quelque niveau que l’on puisse se trouver d’érudition, le savoir ne semblera véritablement nous parler que lorsque pour ainsi dire, c’est nous qui le ferons parler.

Et concernant la Gnose, "il faut encore dire un mot des illéttrés que sont de nombreux maîtres spirituels (ainsi Mohammad lui-même ; du patriarche zen Hoeui-nêng ; plus près de nous, du grand mystique Ramâkrishna) : ce caractère est évidemment tout le contraire de l'ignorance ; il symbolise la perception intuitive immédiate des Réalités divines, la libération des servitudes du littéralisme et de la forme. (Dico des symboles)

Le manège enchanté a écrit:Et concernant la Gnose, "il faut encore dire un mot des illéttrés que sont de nombreux maîtres spirituels ...

Bien vu, mais vraiment TRES bien vu : Dieu enseigne parfois la population en produisant de simples faits, et comprendra qui peut. Par exemple avec la présence de ces saints illettrés : c'est non pas pour annuler l'utilité du savoir - qui aurait la bêtise de croire ça - mais pour remettre le savoir à sa place. On oubli très souvent que jusqu'à une date récente personne ou quasiment ne savait lire et écrire, ce qui ne veut pas dire que les gens étaient incultes, mais que l'enseignement était oral ou via les rites comme par exemple la messe, ou des images.

Le manège enchanté a écrit:...(ainsi Mohammad lui-même ; du patriarche zen Hoeui-nêng ; plus près de nous, du grand mystique Ramâkrishna) :

Bravo.
Potentiellement un consensus de Sophia perennis que la présence de ces illéttrés de Dieu ou de l'Absolu. Je rajoute donc à ta liste : Catherine de Sienne, catégorie : christianisme officiel, déclarée doctoresse de L'Eglise catholique a la fin des années 90. Ne savait ni lire ni écrire comme a peu près tout le monde a son époque, mais elle "conversait" avec dieu, a eut des visions lumineuses dont elle a témoigné dans le langage de sa culture spirituelle, et comme quelqu'un a eut la bonne idée de prendre ses paroles en note, elle fait partie de ceux qui ont dit, chacun a sa façon "Tu peux toi aussi devenir Christ". Je l'avais cité dans le topic de Jésus sur ce thème là.

Et forcément, dans l'article wikipédia qui lui est consacré, il y a tout un paragraphe intitulé "La « cellule intérieure » : connaissance de soi et connaissance de Dieu"

« La « théorie » gnostique explique que la gnose est toujours reçue comme un don de grâce infuse et qu'elle opère instantanément le salut. Ainsi, elle ressort du domaine de l’expérience intérieure. Henri-Charles Puech, spécialiste du gnosticisme, définit ainsi la gnose comme une expérience intérieure d'illumination et de salut :

« La gnose est une expérience ou bien se réfère à une éventuelle expérience intérieure, appelée à devenir état inamissible [du latin inamissibilis, «qui ne peut être perdu»], par laquelle, au cours d'une illumination qui est régénération et divinisation, l'Homme se ressaisit dans sa vérité, se ressouvient et reprend conscience de soi, c'est-à-dire, du même coup, de sa nature et de son origine authentique ; par là, il se connaît ou se reconnaît en Dieu, connaît Dieu et s'apparaît à lui-même comme émané de Dieu et étranger au monde, acquérant ainsi, avec la possession de son « moi » et de sa condition véritables, l'explication de sa destinée et la certitude définitive de son salut, se découvrant comme être - en droit et de toute éternité – sauvé »

Henri Charles Puech - En quête de la gnose

La gnose est donc une expérience intérieure - comme une vision qu'elle est parfois - qui donne une « connaissance » intérieure, une certitude intérieure, autant que peut être certitude la « connaissance» qui provient de l'expérience sensible du monde. Or, lorsqu'il s'agit de définir ce que Jung entend par « expérience religieuse», c'est à un tel type d'expérience de gnose qu'il faut s'arrêter. »

Steve Melanson - Jung et la mystique

Comment comprendre que Jung ait put confondre une voie de la Connaissance (qui se dit en sanskrit Jnana Marga) avec ce qu’on appel en Inde une voie de la bhakti, au point d’appeler « religieux » une démarche qui relève de la connaissance de soi ?

Car toutes les religions sont ce que l’Inde appelle des bhakti fondées sur l’adoration et le culte a une divinité à qui on s’en remet, les deux démarches se trouvant toujours plus ou moins à des degrés divers chez chaque personne qui s’intéresse a ces choses là, mais bien souvent sans qu’il ne s’en rende compte ni qu’il sache faire la différence entre les deux.

Par exemple même un simple adorateur de Krishna ou de Jésus sera amené dans sa vie à traverser certaines épreuves qui le pousseront à des prises de conscience et des remises en question sur lui même, dans lesquelles sa divinité préférée l’aidera s’il a le reflexe de faire appel à elle, ce qui est aussi un premier degré du « connais-toi toi-même », car il y a beaucoup de degrés dans ce travail.

Mais confondre ce qui relève de ces deux voies ou de ces deux démarches peut produire de gros malentendu entre des gens qui ne se rendent pas compte qu’ils ne parlent pas de la même chose quand ils abordent le sujet du spirituel.

La différence entre les deux démarches se trouve par exemple dans la considération pour les Ecritures. Pour celui qui marche sur une voie de la bhakti, elles sont un passage obligé – on se réfère forcément a des croyances sur la divinité – aspect qui sera  éventuellement délégué a un clergé sensé savoir et pour l'adorateur, les Ecritures contiennent « Ce que tu dois croire et ce que tu dois faire » alors que pour celui qui marche sur une voie de la Connaissance, d’abord elles sont facultatives ou bien on s’y confronte soi-même dans le but de les sonder et surtout elles contiennent plutôt des énoncés de « ce que tu va pouvoir expérimenté d’abord afin de le comprendre ensuite »

D'où les malentendus...

"Nous retrouvons donc, dans la définition jungienne de la religion, notre expérience de gnose : cette expérience du numinosum qui a modifié une conscience. Par elle, la conscience a été modifiée et une attitude particulière en est née"

Steve Melanson - Jung et la mystique

Une des choses qui peut rendre plus difficile la compréhension de ce que dit Jung, c'est de ne pas savoir que ce qu'il appelle l'expérience religieuse c'est marcher sur une voie de la Connaissance, en faisant sur ce chemin ce qu'on pourra car tout le monde n'a pas les mêmes aptitudes à ce type de randonnée.

Mais savoir mettre un signe égal entre deux mots (religieux = gnose = faire expérience de Quelque Chose qui va te modifier) est parfois nécessaire pour comprendre un propos.

En l'occurrence, je ne vois pas comment on pourrait bien comprendre de quoi parle tout le système Jungien sans savoir mettre ce signe égal entre ces mots, car :

"De tous mes malades qui avaient franchi le seuil de la moitié de la vie, c'est-à-dire qui avaient plus de trente-cinq ans, il n'en est pas un seul dont le problème le plus profond n'a pas été constitué par la question de son attitude religieuse. Chacun dans ce lot de patients était malade, en dernière analyse, pour avoir perdu ce qu'une religion vivante avait de tout temps donné à ses adeptes, et aucun n'a été réellement guéri qui n'a pas recouvré en même temps une attitude religieuse conforme à lui-même, ce qui est, bien entendu, absolument sans rapports avec toute question de confession ou d'appartenance à une Eglise."

Jung - La guérison psychologique

Sans oublier bien sur que tout le monde ne tombera pas malade a cause de ce manque dans sa vie, seulement certains.

Sod a écrit:

« La gnose est une expérience ou bien se réfère à une éventuelle expérience intérieure, appelée à devenir état inamissible [du latin inamissibilis, «qui ne peut être perdu»], par laquelle, au cours d'une illumination qui est régénération et divinisation, l'Homme se ressaisit dans sa vérité, se ressouvient et reprend conscience de soi, c'est-à-dire, du même coup, de sa nature et de son origine authentique ; par là, il se connaît ou se reconnaît en Dieu, connaît Dieu et s'apparaît à lui-même comme émané de Dieu et étranger au monde, acquérant ainsi, avec la possession de son « moi » et de sa condition véritables, l'explication de sa destinée et la certitude définitive de son salut, se découvrant comme être - en droit et de toute éternité – sauvé »

Henri Charles Puech - En quête de la gnose