Jugement de l’autre et jugement de soi.
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Jugement de l’autre et jugement de soi.
Jugement de l’autre et jugement de soi: le philosophe face aux critiques (Epictète)
Maël Goarzin
"Ne rougis pas de ce qui vient de l’opinion, de même, ne te soustrais pas à ce qui vient de la vérité."
Epictète, Sentences, XIV (6)
Nous sommes souvent confrontés, d’une manière ou d’une autre, au jugement de l’autre, que celui-ci soit juste ou non. A partir de cette sentence d’Epictète, on peut voir se dessiner une attitude ambivalente vis-à-vis des jugements que l’autre porte sur nous.
D’où cette question, à laquelle j’aimerais répondre ici d’un point de vue stoïcien: que faire du jugement que les autres portent sur nous ? Comment réagir face aux critiques et face aux louanges ? Et quel impact le jugement de l’autre peut-il avoir sur nous ?
-Le philosophe face au jugement de l’autre:
L’ataraxie est le but premier de la philosophie stoïcienne, le bonheur stoïcien étant défini, précisément, par l’absence de trouble. Or, les jugements que les autres portent sur moi sont une source constante de troubles. Que ce soit au travail, ou à la maison, en privé comme en public, un certain nombre de décisions et de propos sont susceptibles, au quotidien, de susciter la louange ou la critique de celles et ceux qui m’entourent. Si la louange ne pose généralement pas de problème particulier (au contraire !), la critique est parfois difficile à avaler, en particulier lorsqu’elle n’est pas justifiée, mais aussi lorsqu’elle l’est.
Il y a donc un travail nécessaire à effectuer sur le jugement que les autres portent sur moi, afin de ne plus être troublé, et d’appréhender ce jugement de l’autre de manière rationnelle, ce que proposent les stoïciens, et en particulier Epictète.
Tout d’abord, il est important de comprendre, pour Epictète, que le jugement de l’autre fait partie des choses qui ne dépendent pas de moi:
"Parmi les choses qui existent, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Dépendent de nous: jugement de valeur, impulsion à agir, désir, aversion, en un mot tout ce qui est notre affaire à nous. Ne dépendent pas de nous, le corps, nos possessions, les opinions que les autres ont de nous, les magistratures, en un mot, tout ce qui n’est pas notre affaire à nous." (Arrien, Manuel d’Epictète, 1,1)
Le jugement que les autres portent sur nous étant quelque chose qui ne dépend pas de nous, il est nécessaire de s’en détacher, pour rester libre et non esclave, comme le rappellent ces deux citations du Manuel:
"Le maître de chaque homme, c’est celui qui a pouvoir sur les choses que cet homme veut, ou bien ne veut pas, soit pour les lui procurer soit pour les lui enlever. Quiconque veut être libre ne doit ni vouloir ni refuser quoi que ce soit des choses qui dépendent des autres. Sinon, il est nécessaire qu’il soit esclave." (Arrien, Manuel d’Epictète, 14, 2)
"Si quelqu’un livrait ton corps au premier venu, tu serais indigné; mais, que tu livres ta disposition intérieure au premier venu, en sorte que, s’il t’injurie, celle-ci soit plongée dans le trouble et la confusion, tu n’éprouves pas de honte à cause de cela ?" (Arrien, Manuel d’Epictète, 28)
Parce que le jugement de l’autre ne dépend pas de nous, et parce qu’il est important, pour les stoïciens, de préserver notre liberté intérieure, il ne faut pas rechercher la louange des autres, ni leur approbation, car car cela nous rendrait esclave de leur jugement, jugement que l’on ne peut pas contrôler.
Ce qui compte, dès lors, pour le philosophe stoïcien, ce n’est pas le paraître, mais ce qu’il est vraiment. Mène-t-il une vie vertueuse ? C’est de son choix de vie que le philosophe doit se soucier, et non du regard de l’autre sur lui:
"Si un jour il t’arrive de te tourner vers l’extérieur, en voulant plaire à quelqu’un, sache que tu as abandonné la règle de vie que tu as choisie. Contente-toi donc en toute circonstance d’être philosophe, mais si tu veux en outre le paraître, c’est à toi qu’il faut le paraître et cela suffit." (Arrien, Manuel d’Epictète, 23)
"Garde-toi de l’ostentation ou de la vantardise. Révèle la mission qui t’a été confiée par Zeus, par tes actes, et, même si personne ne le remarque, qu’il te suffise d’être toi-même en bonne santé morale et heureux." (Epictète, Entretiens, III, 24, 118)
"Un homme de bien n’agit jamais pour paraître, mais pour avoir bien agi." (Epictète, Entretiens, III, 24, 50)
"De même que le soleil n’attend pas les prières et les incantations pour poindre à l’horizon, mais brille immédiatement et est salué par tous, toi non plus n’attends pas d’être acclamé, applaudi et loué pour bien agir, mais rends volontairement service et, comme lui, tu seras aimé." (Epictète, Sentences, LXXVII (67))
"Si tu veux qu’on parle bien de toi, apprends à bien parler. Et l’ayant fait, cherche à bien agir, et ainsi tu bénéficieras du fait que l’on parle bien de toi." (Epictète, Sentences, XV (7))
Ces différentes citations confirment la position d’Epictète: le philosophe doit se concentrer sur son action, tâcher de bien agir, et non chercher à plaire. Seule cette attitude lui permettra d’échapper aux troubles suscités par le jugement d’autrui.
-Le philosophe face aux critiques injustifiées:
Il semble, néanmoins, à bien lire la sentence d’Epictète citée au début de ce billet, que l’attitude du philosophe ne sera pas la même selon la véracité du jugement porté sur lui. Tel jugement vient de l’opinion, et n’est pas justifiée? Il ne faut pas en tenir compte. Tel jugement est vrai ? Il ne faut pas l’éviter, mais le prendre en compte et agir en conséquence. Ce n’est pas la personne qui juge mais la nature du jugement (de l’ordre de l’opinion, ou, au contraire, de l’ordre de la vérité) qui détermine la manière de réagir du philosophe. Qu’en est-il face aux critiques, pour commencer ?
Face aux critiques injustifiées, le philosophe stoïcien doit apprendre dans un premier temps à supporter la critique et le regard négatif de l’autre sur lui, comme le confirment ces deux passages du Manuel d’Epictète:
"Si tu veux progresser, supporte de paraître un insensé et un sot, pour ce qui est des choses extérieures." (Arrien, Manuel d’Epictète, 13)
"Si tu désires être philosophe, prépare-toi tout de suite à ce que l’on rie de toi, à ce que la foule se moque de toi, à ce que l’on dise: "Le voilà qui nous est revenu subitement philosophe !" "D’où nous a-t-il ramené ce sourcil arrogant ?"" (Arrien, Manuel d’Epictète, 22)
De même, l’homme politique, lorsqu’il agit de manière juste, ne doit pas tenir compte de la clameur de la foule, comme le rappelle Epictète dans les deux sentences suivantes:
"Comme l’oie ne craint pas les cris stridents ni le mouton les bêlements, ne t’effraye pas de la lame d’une foule insensée." (Epictète, Sentences, LXXII (64))
"De même que la foule ne doit pas t’embarrasser quand elle te demande confusément ce qui t’appartient en propre, tu ne dois pas être troublé face à une multitude qui t’embarrasse injustement." (Epictète, Sentences, LXXIII (65))
L’indifférence, on le voit, est donc la réaction appropriée, selon Epictète, face aux critiques de l’insensé, de celui qui, en se contentant de juger le paraître, ne voit pas le bien vers lequel le philosophe dirige son choix de vie.
Pour aider le progressant à ne pas être troublé par les critiques injustifiées des autres, Epictète rappelle la distinction entre la chose et le jugement qu’il porte sur cette chose. En l’occurrence, ce qui trouble le philosophe progressant, ce ne sont pas les jugements que les autres portent sur lui, mais le jugement qu’il porte sur ce jugement de l’autre:
"Souviens-toi que ce qui t’outrage, ce n’est ni celui qui t’injurie ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens t’outragent. Donc quand quelqu’un t’irrite, sache que c’est ton jugement de valeur qui t’irrite." (Arrien, Manuel d’Epictète, 20)
Aucune émotion négative ne doit donc venir troubler le philosophe qui se trouve confronté aux critiques, dès lors que son action est juste et que le jugement porté sur lui est erroné. Surtout, la critique de l’autre ne doit pas l’empêcher de bien faire, ce sur quoi insiste Epictète à plusieurs reprises dans le Manuel, reconnaissant ainsi les difficultés du progressant face à la critique récurrente à son égard, et la tentation de ne pas montrer ce qui pourrait attiser la critique de l’autre:
"Quand tu fais quelque action après avoir pris la décision de la faire, ne cherche pas à éviter d’être vu en train de la faire, même si la foule devait en juger autrement." (Arrien, Manuel d’Epictète, 35)
-Le philosophe face aux critiques justifiées:
Nous avons vu quelle devait être la réaction du philosophe face aux critiques injustifiées, ce sur quoi insiste particulièrement Epictète dans ses différents textes.
Mais qu’en est-il du jugement correct de l’autre sur moi ? Comment doit réagir le philosophe ? Faut-il, comme on pourrait le penser dans un premier temps, rester indifférent, puisque l’opinion de l’autre ne dépend pas de moi ? Ou bien faut-il, au contraire, profiter de cette critique pour essayer de s’améliorer, mieux se connaître soi-même, prendre conscience de ses défauts et y remédier ?
"Si quelqu’un t’annonce qu’un tel a dit du mal de toi, ne réfute pas ce que l’on a dit, mais réponds: "C’est certainement qu’il ignorait les autres vices qui sont en moi, car autrement il n’aurait pas parlé uniquement de ceux-là."" (Arrien, Manuel d’Epictète, 33,9)
Ici, Epictète suggère non seulement de ne pas être troublé par les critiques des autres, mais de ne pas les réfuter, soit parce qu’elles sont vraies, soit parce qu’elles sont même en-deça de la vérité. Le travail sur soi que doit faire le philosophe stoïcien face au jugement correct de l’autre n’est pas précisé ici, et comme je viens de le rappeler, Epictète se concentre davantage sur les critiques injustifiées qui visent le philosophe. La citation de départ, néanmoins, suggère très fortement l’attitude du philosophe face aux jugements négatifs justifiés:
"Ne rougis pas de ce qui vient de l’opinion, de même, ne te soustrais pas à ce qui vient de la vérité." (Epictète, Sentences, XIV (6))
Si aucune honte, aucun trouble ne doit résulter d’une simple opinion, comme on l’a vu, le philosophe ne doit pas par contre se soustraire à la critique lorsque celle-ci est justifiée. Plus encore, le philosophe doit saisir cette opportunité pour mieux prendre conscience de ses vices, de ce qu’il doit réformer en lui pour devenir meilleur. Si la critique est juste, si le jugement de l’autre sur moi est vrai, je dois l’accepter, ne pas fuir ce jugement, et remettre en question mon attitude, faisant ainsi le lien entre jugement de l’autre et jugement de soi.
Ce que confirme Marc Aurèle dans les Pensées:
"Si l’on peut me convaincre et me montrer que je juge ou que j’agis à tort, je serai content de changer; car je cherche la vérité, qui ne peut être un dommage pour personne; or celui qui persiste dans son erreur ou son ignorance subit un dommage" (Marc-Aurèle, Pensées, VI, 21)
-Du jugement de l’autre au jugement de soi:
Le jugement de l’autre, lorsqu’il est justifié, doit donc conduire le philosophe à un exercice d’introspection. Du jugement de l’autre au jugement de soi, il n’y a qu’un pas, qu’Epictète n’hésite pas à franchir, en particulier lorsqu’il déconseille au philosophe progressant de juger l’autre:
"Ne prononce pas de sentence dans un autre tribunal que le tien, avant de t’être justement évalué." (Epictète, Sentences, LVIII (50))
Avant de juger qui que ce soit, il faut d’abord et avant tout se juger soi-même, et déterminer ainsi ce qui, dans notre vie, doit être réformé ou non. Devenir son propre juge: voilà ce à quoi Epictète nous invite ici.
Il s’agit de passer du jugement de l’autre au jugement de soi, de se questionner soi-même, de prendre le temps de se regarder en face et de se poser la question: qui suis-je ? Quelles sont mes qualités, mes défauts ? Et comment puis-je changer ?
Le jugement de soi par soi, s’il n’est pas une tâche aisée, pourrait paraître le meilleur moyen de se connaître soi-même, et le jugement de l’autre, en ce sens, n’être que le point de départ d’un jugement de soi plus approfondi.
Mais il n’est pas aisé de se juger soi-même en vérité, et le jugement de l’autre pourrait bien, chez les stoïciens comme dans la majorité des écoles philosophiques de l’Antiquité, être un élément essentiel, un passage obligé de la connaissance de soi.
C’est pourquoi la figure du maître, ou du directeur de conscience, est si importante, à l’image de Socrate guidant Alcibiade. Le progressant, pour Epictète, a besoin du jugement du maître, de la même manière que Lucilius a besoin des lettres de Sénèque et de son jugement sur lui pour progresser dans le mode de vie philosophique. Le jugement que l’autre, en tant que maître, porte sur moi a donc un rôle important dans mon progrès spirituel vers une vie meilleure, comme le rappelle ce fragment des Entretiens:
"Quand Agrippinus était gouverneur, il tentait de persuader ceux qu’il avait condamnés qu’il fallait qu’ils le soient. "Car", disait-il, "ce n’est pas comme un ennemi ni comme un brigand que je rends mon jugement contre eux, mais comme un curateur et un protecteur, de même que le médecin réconforte le patient qu’il opère et le persuade de se livrer de lui-même à l’opération"." (Epictète, Fragments, XXII)
On voit bien ici, avec la métaphore médicale, que le jugement de l’autre peut avoir une fonction thérapeutique, et aider le philosophe progressant à se connaître lui-même, connaître ses vices ou ses défauts, et se corriger lui-même. L’autre, dans ce cadre, peut avoir un rôle crucial dans la transformation de soi que demandent l’activité philosophique et la conversion au mode de vie philosophique.
Le jugement de l’autre, loin d’y rester indifférent, le progressant doit donc en tenir compte dès lors que celui-ci est vrai. Qu’il vienne du maître ou de la foule, le jugement de l’autre peut et doit être l’occasion, pour le progressant, de prendre conscience de ses vices et de se réformer.
https://biospraktikos.hypotheses.org/2600
Maël Goarzin
"Ne rougis pas de ce qui vient de l’opinion, de même, ne te soustrais pas à ce qui vient de la vérité."
Epictète, Sentences, XIV (6)
Nous sommes souvent confrontés, d’une manière ou d’une autre, au jugement de l’autre, que celui-ci soit juste ou non. A partir de cette sentence d’Epictète, on peut voir se dessiner une attitude ambivalente vis-à-vis des jugements que l’autre porte sur nous.
D’où cette question, à laquelle j’aimerais répondre ici d’un point de vue stoïcien: que faire du jugement que les autres portent sur nous ? Comment réagir face aux critiques et face aux louanges ? Et quel impact le jugement de l’autre peut-il avoir sur nous ?
-Le philosophe face au jugement de l’autre:
L’ataraxie est le but premier de la philosophie stoïcienne, le bonheur stoïcien étant défini, précisément, par l’absence de trouble. Or, les jugements que les autres portent sur moi sont une source constante de troubles. Que ce soit au travail, ou à la maison, en privé comme en public, un certain nombre de décisions et de propos sont susceptibles, au quotidien, de susciter la louange ou la critique de celles et ceux qui m’entourent. Si la louange ne pose généralement pas de problème particulier (au contraire !), la critique est parfois difficile à avaler, en particulier lorsqu’elle n’est pas justifiée, mais aussi lorsqu’elle l’est.
Il y a donc un travail nécessaire à effectuer sur le jugement que les autres portent sur moi, afin de ne plus être troublé, et d’appréhender ce jugement de l’autre de manière rationnelle, ce que proposent les stoïciens, et en particulier Epictète.
Tout d’abord, il est important de comprendre, pour Epictète, que le jugement de l’autre fait partie des choses qui ne dépendent pas de moi:
"Parmi les choses qui existent, les unes dépendent de nous, les autres ne dépendent pas de nous. Dépendent de nous: jugement de valeur, impulsion à agir, désir, aversion, en un mot tout ce qui est notre affaire à nous. Ne dépendent pas de nous, le corps, nos possessions, les opinions que les autres ont de nous, les magistratures, en un mot, tout ce qui n’est pas notre affaire à nous." (Arrien, Manuel d’Epictète, 1,1)
Le jugement que les autres portent sur nous étant quelque chose qui ne dépend pas de nous, il est nécessaire de s’en détacher, pour rester libre et non esclave, comme le rappellent ces deux citations du Manuel:
"Le maître de chaque homme, c’est celui qui a pouvoir sur les choses que cet homme veut, ou bien ne veut pas, soit pour les lui procurer soit pour les lui enlever. Quiconque veut être libre ne doit ni vouloir ni refuser quoi que ce soit des choses qui dépendent des autres. Sinon, il est nécessaire qu’il soit esclave." (Arrien, Manuel d’Epictète, 14, 2)
"Si quelqu’un livrait ton corps au premier venu, tu serais indigné; mais, que tu livres ta disposition intérieure au premier venu, en sorte que, s’il t’injurie, celle-ci soit plongée dans le trouble et la confusion, tu n’éprouves pas de honte à cause de cela ?" (Arrien, Manuel d’Epictète, 28)
Parce que le jugement de l’autre ne dépend pas de nous, et parce qu’il est important, pour les stoïciens, de préserver notre liberté intérieure, il ne faut pas rechercher la louange des autres, ni leur approbation, car car cela nous rendrait esclave de leur jugement, jugement que l’on ne peut pas contrôler.
Ce qui compte, dès lors, pour le philosophe stoïcien, ce n’est pas le paraître, mais ce qu’il est vraiment. Mène-t-il une vie vertueuse ? C’est de son choix de vie que le philosophe doit se soucier, et non du regard de l’autre sur lui:
"Si un jour il t’arrive de te tourner vers l’extérieur, en voulant plaire à quelqu’un, sache que tu as abandonné la règle de vie que tu as choisie. Contente-toi donc en toute circonstance d’être philosophe, mais si tu veux en outre le paraître, c’est à toi qu’il faut le paraître et cela suffit." (Arrien, Manuel d’Epictète, 23)
"Garde-toi de l’ostentation ou de la vantardise. Révèle la mission qui t’a été confiée par Zeus, par tes actes, et, même si personne ne le remarque, qu’il te suffise d’être toi-même en bonne santé morale et heureux." (Epictète, Entretiens, III, 24, 118)
"Un homme de bien n’agit jamais pour paraître, mais pour avoir bien agi." (Epictète, Entretiens, III, 24, 50)
"De même que le soleil n’attend pas les prières et les incantations pour poindre à l’horizon, mais brille immédiatement et est salué par tous, toi non plus n’attends pas d’être acclamé, applaudi et loué pour bien agir, mais rends volontairement service et, comme lui, tu seras aimé." (Epictète, Sentences, LXXVII (67))
"Si tu veux qu’on parle bien de toi, apprends à bien parler. Et l’ayant fait, cherche à bien agir, et ainsi tu bénéficieras du fait que l’on parle bien de toi." (Epictète, Sentences, XV (7))
Ces différentes citations confirment la position d’Epictète: le philosophe doit se concentrer sur son action, tâcher de bien agir, et non chercher à plaire. Seule cette attitude lui permettra d’échapper aux troubles suscités par le jugement d’autrui.
-Le philosophe face aux critiques injustifiées:
Il semble, néanmoins, à bien lire la sentence d’Epictète citée au début de ce billet, que l’attitude du philosophe ne sera pas la même selon la véracité du jugement porté sur lui. Tel jugement vient de l’opinion, et n’est pas justifiée? Il ne faut pas en tenir compte. Tel jugement est vrai ? Il ne faut pas l’éviter, mais le prendre en compte et agir en conséquence. Ce n’est pas la personne qui juge mais la nature du jugement (de l’ordre de l’opinion, ou, au contraire, de l’ordre de la vérité) qui détermine la manière de réagir du philosophe. Qu’en est-il face aux critiques, pour commencer ?
Face aux critiques injustifiées, le philosophe stoïcien doit apprendre dans un premier temps à supporter la critique et le regard négatif de l’autre sur lui, comme le confirment ces deux passages du Manuel d’Epictète:
"Si tu veux progresser, supporte de paraître un insensé et un sot, pour ce qui est des choses extérieures." (Arrien, Manuel d’Epictète, 13)
"Si tu désires être philosophe, prépare-toi tout de suite à ce que l’on rie de toi, à ce que la foule se moque de toi, à ce que l’on dise: "Le voilà qui nous est revenu subitement philosophe !" "D’où nous a-t-il ramené ce sourcil arrogant ?"" (Arrien, Manuel d’Epictète, 22)
De même, l’homme politique, lorsqu’il agit de manière juste, ne doit pas tenir compte de la clameur de la foule, comme le rappelle Epictète dans les deux sentences suivantes:
"Comme l’oie ne craint pas les cris stridents ni le mouton les bêlements, ne t’effraye pas de la lame d’une foule insensée." (Epictète, Sentences, LXXII (64))
"De même que la foule ne doit pas t’embarrasser quand elle te demande confusément ce qui t’appartient en propre, tu ne dois pas être troublé face à une multitude qui t’embarrasse injustement." (Epictète, Sentences, LXXIII (65))
L’indifférence, on le voit, est donc la réaction appropriée, selon Epictète, face aux critiques de l’insensé, de celui qui, en se contentant de juger le paraître, ne voit pas le bien vers lequel le philosophe dirige son choix de vie.
Pour aider le progressant à ne pas être troublé par les critiques injustifiées des autres, Epictète rappelle la distinction entre la chose et le jugement qu’il porte sur cette chose. En l’occurrence, ce qui trouble le philosophe progressant, ce ne sont pas les jugements que les autres portent sur lui, mais le jugement qu’il porte sur ce jugement de l’autre:
"Souviens-toi que ce qui t’outrage, ce n’est ni celui qui t’injurie ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens t’outragent. Donc quand quelqu’un t’irrite, sache que c’est ton jugement de valeur qui t’irrite." (Arrien, Manuel d’Epictète, 20)
Aucune émotion négative ne doit donc venir troubler le philosophe qui se trouve confronté aux critiques, dès lors que son action est juste et que le jugement porté sur lui est erroné. Surtout, la critique de l’autre ne doit pas l’empêcher de bien faire, ce sur quoi insiste Epictète à plusieurs reprises dans le Manuel, reconnaissant ainsi les difficultés du progressant face à la critique récurrente à son égard, et la tentation de ne pas montrer ce qui pourrait attiser la critique de l’autre:
"Quand tu fais quelque action après avoir pris la décision de la faire, ne cherche pas à éviter d’être vu en train de la faire, même si la foule devait en juger autrement." (Arrien, Manuel d’Epictète, 35)
-Le philosophe face aux critiques justifiées:
Nous avons vu quelle devait être la réaction du philosophe face aux critiques injustifiées, ce sur quoi insiste particulièrement Epictète dans ses différents textes.
Mais qu’en est-il du jugement correct de l’autre sur moi ? Comment doit réagir le philosophe ? Faut-il, comme on pourrait le penser dans un premier temps, rester indifférent, puisque l’opinion de l’autre ne dépend pas de moi ? Ou bien faut-il, au contraire, profiter de cette critique pour essayer de s’améliorer, mieux se connaître soi-même, prendre conscience de ses défauts et y remédier ?
"Si quelqu’un t’annonce qu’un tel a dit du mal de toi, ne réfute pas ce que l’on a dit, mais réponds: "C’est certainement qu’il ignorait les autres vices qui sont en moi, car autrement il n’aurait pas parlé uniquement de ceux-là."" (Arrien, Manuel d’Epictète, 33,9)
Ici, Epictète suggère non seulement de ne pas être troublé par les critiques des autres, mais de ne pas les réfuter, soit parce qu’elles sont vraies, soit parce qu’elles sont même en-deça de la vérité. Le travail sur soi que doit faire le philosophe stoïcien face au jugement correct de l’autre n’est pas précisé ici, et comme je viens de le rappeler, Epictète se concentre davantage sur les critiques injustifiées qui visent le philosophe. La citation de départ, néanmoins, suggère très fortement l’attitude du philosophe face aux jugements négatifs justifiés:
"Ne rougis pas de ce qui vient de l’opinion, de même, ne te soustrais pas à ce qui vient de la vérité." (Epictète, Sentences, XIV (6))
Si aucune honte, aucun trouble ne doit résulter d’une simple opinion, comme on l’a vu, le philosophe ne doit pas par contre se soustraire à la critique lorsque celle-ci est justifiée. Plus encore, le philosophe doit saisir cette opportunité pour mieux prendre conscience de ses vices, de ce qu’il doit réformer en lui pour devenir meilleur. Si la critique est juste, si le jugement de l’autre sur moi est vrai, je dois l’accepter, ne pas fuir ce jugement, et remettre en question mon attitude, faisant ainsi le lien entre jugement de l’autre et jugement de soi.
Ce que confirme Marc Aurèle dans les Pensées:
"Si l’on peut me convaincre et me montrer que je juge ou que j’agis à tort, je serai content de changer; car je cherche la vérité, qui ne peut être un dommage pour personne; or celui qui persiste dans son erreur ou son ignorance subit un dommage" (Marc-Aurèle, Pensées, VI, 21)
-Du jugement de l’autre au jugement de soi:
Le jugement de l’autre, lorsqu’il est justifié, doit donc conduire le philosophe à un exercice d’introspection. Du jugement de l’autre au jugement de soi, il n’y a qu’un pas, qu’Epictète n’hésite pas à franchir, en particulier lorsqu’il déconseille au philosophe progressant de juger l’autre:
"Ne prononce pas de sentence dans un autre tribunal que le tien, avant de t’être justement évalué." (Epictète, Sentences, LVIII (50))
Avant de juger qui que ce soit, il faut d’abord et avant tout se juger soi-même, et déterminer ainsi ce qui, dans notre vie, doit être réformé ou non. Devenir son propre juge: voilà ce à quoi Epictète nous invite ici.
Il s’agit de passer du jugement de l’autre au jugement de soi, de se questionner soi-même, de prendre le temps de se regarder en face et de se poser la question: qui suis-je ? Quelles sont mes qualités, mes défauts ? Et comment puis-je changer ?
Le jugement de soi par soi, s’il n’est pas une tâche aisée, pourrait paraître le meilleur moyen de se connaître soi-même, et le jugement de l’autre, en ce sens, n’être que le point de départ d’un jugement de soi plus approfondi.
Mais il n’est pas aisé de se juger soi-même en vérité, et le jugement de l’autre pourrait bien, chez les stoïciens comme dans la majorité des écoles philosophiques de l’Antiquité, être un élément essentiel, un passage obligé de la connaissance de soi.
C’est pourquoi la figure du maître, ou du directeur de conscience, est si importante, à l’image de Socrate guidant Alcibiade. Le progressant, pour Epictète, a besoin du jugement du maître, de la même manière que Lucilius a besoin des lettres de Sénèque et de son jugement sur lui pour progresser dans le mode de vie philosophique. Le jugement que l’autre, en tant que maître, porte sur moi a donc un rôle important dans mon progrès spirituel vers une vie meilleure, comme le rappelle ce fragment des Entretiens:
"Quand Agrippinus était gouverneur, il tentait de persuader ceux qu’il avait condamnés qu’il fallait qu’ils le soient. "Car", disait-il, "ce n’est pas comme un ennemi ni comme un brigand que je rends mon jugement contre eux, mais comme un curateur et un protecteur, de même que le médecin réconforte le patient qu’il opère et le persuade de se livrer de lui-même à l’opération"." (Epictète, Fragments, XXII)
On voit bien ici, avec la métaphore médicale, que le jugement de l’autre peut avoir une fonction thérapeutique, et aider le philosophe progressant à se connaître lui-même, connaître ses vices ou ses défauts, et se corriger lui-même. L’autre, dans ce cadre, peut avoir un rôle crucial dans la transformation de soi que demandent l’activité philosophique et la conversion au mode de vie philosophique.
Le jugement de l’autre, loin d’y rester indifférent, le progressant doit donc en tenir compte dès lors que celui-ci est vrai. Qu’il vienne du maître ou de la foule, le jugement de l’autre peut et doit être l’occasion, pour le progressant, de prendre conscience de ses vices et de se réformer.
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Dernière édition par Kolam le Jeu 22 Aoû 2019 - 12:27, édité 3 fois
Kolam- Callisto
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Messages : 3078
Date d'inscription : 11/05/2018
Localisation : *
jean123 :)
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Salut, j'ai lu qu'un peu en travers, mais pour répondre à la question je dirais d'abord que j'espère que ce sujet est classé en philosophie car il n'a rien n'a voir avec la spiritualité,
..parce que dans ce domaine, en spiritualité, le jugement des autres on en a rien à faire et on s'en fout totalement,
..ce qui est mon cas, mais bon en disant ça je vais encore passé pour quelqu'un qui se croit plus avancer que les autres spirituellement, mais comme je viens de le dire j'en ai carrément rien à faire,
..je peux donc dire que ceux qui se préoccupent de ce que les autres pense d'eux ne sont pas très avancer spirituellement, ainsi que ceux qui jugent les autres,
..non mais sérieux, vous vous prenez pour qui pour vous permettre de juger les autres ? ..pour dieu le père ?
.. rappeler vous que :
"ne juge pas et tu ne seras pas juger"
..parce que dans ce domaine, en spiritualité, le jugement des autres on en a rien à faire et on s'en fout totalement,
..ce qui est mon cas, mais bon en disant ça je vais encore passé pour quelqu'un qui se croit plus avancer que les autres spirituellement, mais comme je viens de le dire j'en ai carrément rien à faire,
..je peux donc dire que ceux qui se préoccupent de ce que les autres pense d'eux ne sont pas très avancer spirituellement, ainsi que ceux qui jugent les autres,
..non mais sérieux, vous vous prenez pour qui pour vous permettre de juger les autres ? ..pour dieu le père ?
.. rappeler vous que :
"ne juge pas et tu ne seras pas juger"
ratDchamp- Téthys
-
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Date d'inscription : 18/05/2018
Localisation : Helvie
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Oui, Ratdchamp, bien sur qu'il est en rubrique "philo". C'est facile à vérifier...
Et s'il y a une rubrique "philo", elle est faite pour ce genre de sujets il me semble...
Et chacun(e) est libre de s'y intéresser ou pas, comme pour le reste.
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Kolam- Callisto
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
ratDchamp a écrit:
..je peux donc dire que ceux qui se préoccupent de ce que les autres pense d'eux ne sont pas très avancer spirituellement
Jugement ?
Kolam- Callisto
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Hum , le jugement est un thème assez important pour qu'il soit traité maintes fois en spiritualité autant qu'en philosophie , et d'une manière personnelle ont est souvent confronté au thème , on est toujours identifié à ce que les autres pensent de nous en mal ou en bien , et tout autant identifier à ce qu'on pense des autres , cela prend la forme selon un enseignement de " la considération intérieure " .
Nos considérations intérieures à propos des autres ne s'arrêtent jamais , on peut s'y surprendre chaque instant , qu'elles soient formulées ou non , c'est malheureusement le fondement de ce qui fait nos relations d'être pas si présent à soi même , une habitude mécanique voir même un sentiment d'exister à travers nos incessants jugements , et il ne faut pas avoir peur de se voir si on veut bien saisir ce dont on parle .
Epictète nous donne quelques solutions intéressantes , elles s'expriment toujours par l'auto sacrifice , choisir l'autre qu'importe le débat , abonder dans le sens de la critique qu'on peut nous faire , argumenter dans le sens de l'opposition qu'on nous exprime , car avant tout on ne doit pas s'identifier à nos opinions , nos critiques , nos jugements , ni a ceux qui nous sont formulés , de fait nous n'avons qu'un seul esprit et comme nous jugeons il nous juge intérieurement.
L'auto-critique n'est valable que si elle consciente et volontaire , mais si nous sommes dans la mécanique du jugement notre propre esprit nous jugera consentement mécaniquement , voilà pourquoi il est écrit que nous serons jugés à la mesure de notre jugement , que nous serons mesurés avec la mesure dont nous nous servons pour mesurer les autres , love .
Nos considérations intérieures à propos des autres ne s'arrêtent jamais , on peut s'y surprendre chaque instant , qu'elles soient formulées ou non , c'est malheureusement le fondement de ce qui fait nos relations d'être pas si présent à soi même , une habitude mécanique voir même un sentiment d'exister à travers nos incessants jugements , et il ne faut pas avoir peur de se voir si on veut bien saisir ce dont on parle .
Epictète nous donne quelques solutions intéressantes , elles s'expriment toujours par l'auto sacrifice , choisir l'autre qu'importe le débat , abonder dans le sens de la critique qu'on peut nous faire , argumenter dans le sens de l'opposition qu'on nous exprime , car avant tout on ne doit pas s'identifier à nos opinions , nos critiques , nos jugements , ni a ceux qui nous sont formulés , de fait nous n'avons qu'un seul esprit et comme nous jugeons il nous juge intérieurement.
L'auto-critique n'est valable que si elle consciente et volontaire , mais si nous sommes dans la mécanique du jugement notre propre esprit nous jugera consentement mécaniquement , voilà pourquoi il est écrit que nous serons jugés à la mesure de notre jugement , que nous serons mesurés avec la mesure dont nous nous servons pour mesurer les autres , love .
Professeur X- Soleil
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Pas très avancés spiriquoi ?! Y'a une course ? Où ça ? Quand ça ? Ou est la ligne de départ ?? On m'a rien diiiiiit .... haaaaaaaa !!! attendezzzz moiiiiiiiii
Blague à part, j'aime beaucoup les stoïciens. Epictère, Sénèque, Marc-Aurèle. Ils ont changé ma vie, et c'est pas exagéré
Epictète est parfois un peu sec (genre "si ma femme meurt, baaaaah pas grave hein je savais qu'elle était mortelle"), mais pour une entrée en matière tranquille dans le stoïcisme, Marc-Aurèle est vraiment bon et doux !!
Une phrase de lui que j'aime beaucoup :
Et une autre de Sénèque :
Je suis pas trooooop dans le délire "deviens ce que tu es, yeah", mais bon, je trouve que ça sonne bien, et puis là il parle surtout du fait de pas gaspiller son temps... ouais à l'époque aussi les gens avaient l'impression de perdre leur temps en conneries, pas besoin de télé ou d'internet pour ça
Blague à part, j'aime beaucoup les stoïciens. Epictère, Sénèque, Marc-Aurèle. Ils ont changé ma vie, et c'est pas exagéré
Epictète est parfois un peu sec (genre "si ma femme meurt, baaaaah pas grave hein je savais qu'elle était mortelle"), mais pour une entrée en matière tranquille dans le stoïcisme, Marc-Aurèle est vraiment bon et doux !!
Une phrase de lui que j'aime beaucoup :
Bon, il avait pas encore croisé le féminisme, mais je pense qu'il serait d'abord pour appliquer ça à tout le monde =)Marc-Aurèle a écrit:L'homme ordinaire est exigeant avec les autres
L'homme exceptionnel est exigeant avec soi-même
Et une autre de Sénèque :
Que je trouve jolie en latin =) et dont ma traduction préférée est "Reprends possession de toi-même".Sénèque a écrit:Vindica te tibi
Je suis pas trooooop dans le délire "deviens ce que tu es, yeah", mais bon, je trouve que ça sonne bien, et puis là il parle surtout du fait de pas gaspiller son temps... ouais à l'époque aussi les gens avaient l'impression de perdre leur temps en conneries, pas besoin de télé ou d'internet pour ça
Méhen- Amalthée
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Très juste, à leur époque rien de tout ça existait mais certains avaient senti/compris que la vie intérieure est riche et qu'il est nécessaire d'aller y faire un tour
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Merci Kolam pour ce sujet intéressant et pour toutes ces citations que tu rapportes ,
Le jugement que les autres portent sur soi ?
Ca me ramène en premier lieu au jugement que l'on peut être tenté de porter sur les autres, car si l'on est jugés c'est que peut-être nous portons nous-même des jugements sur les autres. Une sorte de loi du karma en quelques sorte et qui semble confirmée par ailleurs par les propos du Christ "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés" ou encore : "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?"
Pour ma part, ce qui m'aide le mieux à ne pas porter de jugement sur les autres, c'est la compréhension que juger les autres est absolument impossible car d'une part nous ne voyons d'eux que le niveau superficiel, et d'autres parts ce niveau superficiel on ne peut jamais savoir ce qui l'a conditionné à devenir ce qu'il est, malfaisant par exemple. Et c'est certain que même si l'on considère le pire des hommes, il n'y a que la souffrance qui peut l'avoir conduit à ce qu'il est (c'est un peu l'histoire de Kirikou et la sorcière, elle était mauvaise car elle souffrait à cause d'une épine enfoncée dans sa chair).
Je crois que l'homme est fondamentalement bon, ou pourrait-on dire, référence à une autre tradition, tous les êtres ont la nature de Bouddha.
Voilà déjà un premier point.
Sinon je dirais, tout en restant fidèle à soi-même bien sûr : "éviter de mériter des critiques" , "éviter de choquer notre environnement".
Je crois que ce que les autres pensent de soi est important, car leurs pensées a forcément une influence sur soi, en bien, en mal, ou mitigée. Il n'y a, à mon sens, pas de doute à ce sujet. Il suffit pour s'en convaincre de voir un peu les travaux de Masaru Emoto qui traduit l'influence de la pensée sur la matière, et ainsi l'influence de la pensée de l'autre sur soi.
Source Wikipédia : "Masaru Emoto a publié plusieurs ouvrages présentant des clichés de différents cristaux de molécules d'eau dans diverses situations. Emoto interprète ces clichés comme des preuves que les cristaux réagissent par des changements de structure à diverses influences, celles de la musique, de Jean-Sébastien Bach ou de hard rock par exemple, ou à celle de simples mots comme « merci », « gratitude » ou « haine »."
Après, s'il y a encore des jugements portés sur soi, on ne peut qu'accepter...
à l'image de ce Maître qui avait subi des critiques toute une journée, et qui le soir venu avait demandé que l'on apporte à manger à celui qui l'avait critiqué. On rapporte que celui-ci avait été très surpris et qu'il avait demandé ce qui lui valait un geste aussi généreux. Ce sage lui avait alors répondu : "Oui, vous devez être très fatigué au vu de l'énergie que vous déployée toute cette journée"
J'avais écrit sur "juger les autres" il y a quelques années, pour ceux que ça intéresserait je fais un copié collé ci-dessous
"On ne peut pas juger de l'étendue du ciel en le regardant à travers une paille !"
L'idée que je souhaite exprimer ici n'est pas tellement que "juger les autres c'est mal" mais que ce n'est pas possible. Il n'est pas possible de juger les autres car nous ne voyons d'eux que ce qui est apparent, superficiel.
Il semble qu'il y ait "jugement de l'autre" dès l'instant où consciemment ou non, on se dit : "celui-ci (l'autre) est comme ceci, il devrait être comme cela !"
Je crois qu'un tel positionnement intérieur, une telle perception de la réalité de ce qui fait l'autre, traduit notre "non acceptation" du réel, de la réalité telle qu'elle est. Cette "non-acceptation" a pour effet de nous maintenir au niveau du mental, de cette conscience qui raisonne et qui s'appuie sur ce qui est visible, sur ce qui, de toutes évidences, n'est pas fiable.
Le "non jugement", à mon sens ne peut mûrir que par la perception et compréhension que finalement on ne peut pas connaître avec nos seuls sens ce qui fait l'étendue de ce qui fait le monde. Ce qui revient à dire que l'on reconnaît notre ignorance ; cette prise de conscience réelle, non feinte en soi, se traduit alors par un "lâcher-prise" du mental qui nous amène à fonctionner alors sur un plan plus intuitif. Toutefois, ce "non jugement" ne signifie pas pour autant que l'on n'est pas capable de reconnaître les particularités de l'autre.
De nos jours, porter un jugement de valeur est devenu tellement habituel et enraciné dans notre conscience, et même porté par l'influence de notre environnement, qu'il semble vraiment difficile d'y échapper. Toutefois il existe un moyen tout simple qui permet d'éluder cette tendance :
"Enfermer quelqu'un dans un jugement, c'est comme pointer un doigt vers lui. Et dans ce cas-là, il y a toujours trois doigts qui sont orientés vers soi"
Juger l'autre le restreint, dans notre conscience, à la limitation avec laquelle on le perçoit, et en même temps nous enferme, nous, dans l'individualité limitée qui porte le jugement. Ainsi on instaure une dualité (c'est-à-dire qu'on place celui qui est jugé d'un côté et nous de l'autre), et en conséquence on met en place la racine d'un conflit. Ainsi, on s'enferme soi-même, c'est-à-dire que l'on corrompt notre propre liberté intérieure. Ce qui revient à dire qu'on limite notre conscience au niveau à partir duquel on porte le jugement et qu'ainsi on s'enferme dans cette individualité-là.
En conclusion, pourrait-on dire, c'est surtout dans notre propre intérêt qu'il est important d'éviter ces jugements qui enferment l'autre dans une définition restreinte, alors que de toute évidence, ce que nous sommes, ce que chacun est, se trouve au-delà de toutes définitions.
Le jugement que les autres portent sur soi ?
Ca me ramène en premier lieu au jugement que l'on peut être tenté de porter sur les autres, car si l'on est jugés c'est que peut-être nous portons nous-même des jugements sur les autres. Une sorte de loi du karma en quelques sorte et qui semble confirmée par ailleurs par les propos du Christ "Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugés" ou encore : "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère, et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil?"
Pour ma part, ce qui m'aide le mieux à ne pas porter de jugement sur les autres, c'est la compréhension que juger les autres est absolument impossible car d'une part nous ne voyons d'eux que le niveau superficiel, et d'autres parts ce niveau superficiel on ne peut jamais savoir ce qui l'a conditionné à devenir ce qu'il est, malfaisant par exemple. Et c'est certain que même si l'on considère le pire des hommes, il n'y a que la souffrance qui peut l'avoir conduit à ce qu'il est (c'est un peu l'histoire de Kirikou et la sorcière, elle était mauvaise car elle souffrait à cause d'une épine enfoncée dans sa chair).
Je crois que l'homme est fondamentalement bon, ou pourrait-on dire, référence à une autre tradition, tous les êtres ont la nature de Bouddha.
Voilà déjà un premier point.
Sinon je dirais, tout en restant fidèle à soi-même bien sûr : "éviter de mériter des critiques" , "éviter de choquer notre environnement".
Je crois que ce que les autres pensent de soi est important, car leurs pensées a forcément une influence sur soi, en bien, en mal, ou mitigée. Il n'y a, à mon sens, pas de doute à ce sujet. Il suffit pour s'en convaincre de voir un peu les travaux de Masaru Emoto qui traduit l'influence de la pensée sur la matière, et ainsi l'influence de la pensée de l'autre sur soi.
Source Wikipédia : "Masaru Emoto a publié plusieurs ouvrages présentant des clichés de différents cristaux de molécules d'eau dans diverses situations. Emoto interprète ces clichés comme des preuves que les cristaux réagissent par des changements de structure à diverses influences, celles de la musique, de Jean-Sébastien Bach ou de hard rock par exemple, ou à celle de simples mots comme « merci », « gratitude » ou « haine »."
Après, s'il y a encore des jugements portés sur soi, on ne peut qu'accepter...
à l'image de ce Maître qui avait subi des critiques toute une journée, et qui le soir venu avait demandé que l'on apporte à manger à celui qui l'avait critiqué. On rapporte que celui-ci avait été très surpris et qu'il avait demandé ce qui lui valait un geste aussi généreux. Ce sage lui avait alors répondu : "Oui, vous devez être très fatigué au vu de l'énergie que vous déployée toute cette journée"
J'avais écrit sur "juger les autres" il y a quelques années, pour ceux que ça intéresserait je fais un copié collé ci-dessous
"On ne peut pas juger de l'étendue du ciel en le regardant à travers une paille !"
L'idée que je souhaite exprimer ici n'est pas tellement que "juger les autres c'est mal" mais que ce n'est pas possible. Il n'est pas possible de juger les autres car nous ne voyons d'eux que ce qui est apparent, superficiel.
Il semble qu'il y ait "jugement de l'autre" dès l'instant où consciemment ou non, on se dit : "celui-ci (l'autre) est comme ceci, il devrait être comme cela !"
Je crois qu'un tel positionnement intérieur, une telle perception de la réalité de ce qui fait l'autre, traduit notre "non acceptation" du réel, de la réalité telle qu'elle est. Cette "non-acceptation" a pour effet de nous maintenir au niveau du mental, de cette conscience qui raisonne et qui s'appuie sur ce qui est visible, sur ce qui, de toutes évidences, n'est pas fiable.
Le "non jugement", à mon sens ne peut mûrir que par la perception et compréhension que finalement on ne peut pas connaître avec nos seuls sens ce qui fait l'étendue de ce qui fait le monde. Ce qui revient à dire que l'on reconnaît notre ignorance ; cette prise de conscience réelle, non feinte en soi, se traduit alors par un "lâcher-prise" du mental qui nous amène à fonctionner alors sur un plan plus intuitif. Toutefois, ce "non jugement" ne signifie pas pour autant que l'on n'est pas capable de reconnaître les particularités de l'autre.
De nos jours, porter un jugement de valeur est devenu tellement habituel et enraciné dans notre conscience, et même porté par l'influence de notre environnement, qu'il semble vraiment difficile d'y échapper. Toutefois il existe un moyen tout simple qui permet d'éluder cette tendance :
"Enfermer quelqu'un dans un jugement, c'est comme pointer un doigt vers lui. Et dans ce cas-là, il y a toujours trois doigts qui sont orientés vers soi"
Juger l'autre le restreint, dans notre conscience, à la limitation avec laquelle on le perçoit, et en même temps nous enferme, nous, dans l'individualité limitée qui porte le jugement. Ainsi on instaure une dualité (c'est-à-dire qu'on place celui qui est jugé d'un côté et nous de l'autre), et en conséquence on met en place la racine d'un conflit. Ainsi, on s'enferme soi-même, c'est-à-dire que l'on corrompt notre propre liberté intérieure. Ce qui revient à dire qu'on limite notre conscience au niveau à partir duquel on porte le jugement et qu'ainsi on s'enferme dans cette individualité-là.
En conclusion, pourrait-on dire, c'est surtout dans notre propre intérêt qu'il est important d'éviter ces jugements qui enferment l'autre dans une définition restreinte, alors que de toute évidence, ce que nous sommes, ce que chacun est, se trouve au-delà de toutes définitions.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Cela ramène aussi au dialogue qui est quelque chose de beaucoup plus profond qu'un simple échange verbal et ne se limite pas à un contact de personne à personne. Le dialogue permet d'apprécier l'autre comme étant différent de nous, unique, c'est à dire différent de tous ceux que nous avons déjà rencontrés.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Merci pour ce sujet, il est à mon sens un des sujet les plus important en spiritualité parce qu'il traite de l'identification de soi au regard du jugement.
C'est le sujet parfait où l'on ne différencie plus la philosophie de la spiritualité.
D'ailleurs parfois je me demande si à vouloir séparer les mots n'est pas une offense à la pensée grecque dont la philosophie était bien loin d'être athée.
Les références religieuses sont naturelles dans la pensée grecque et pour preuve tiré de l'article
Autre point pour aller dans le sens ou la séparation philosophie, religion, spiritualité est toute subjective, l'histoire du christianisme montre très clairement une rencontre entre la philosophie grecque et le mysticisme juif... pour rappel le mot "Dieu" dérive de "Zeus".
Cet aparté pour revenir à la notion du jugement soulevé par Epictète.
Quand j'ai lu cet article mardi matin, je me suis dit "mais tout est là... toute ma journée est là.. toutes mes réflexions sont là".
Pourquoi ?
Mais parce que tout est jugement, tout est adaptation à ce jugement des autres ou de soi même.
Je ne m'estime pas avancé et encore moins au point d'admettre que ma vie n'est pas une simple adaptation à des jugements.
S'habiller le matin, se raser, se doucher, avec un désir plus ou moins conscient de plaire à autrui ou aux codes de la société, n'est-ce pas une adaptation à un jugement que l'on prend pour soi, auquel on s'identifie ?
Surveiller ses paroles, être poli, faire de la communication diplomatique n'est-ce pas une réaction aux possibles jugements des autres, ou la façon dont on les juge ?
Tout ce quotidien qui est inconscient mais complètement emprunté à des jugements d'autrui sur soi, ou de soi sur autrui.
Je m'essaye souvent au jeu de @mimy à ne pas juger autrui.... je tiens rarement plus de 5 minutes en société.
Lors d'une soirée alors que je discutais passionnément et fièrement du "que ta parole soit impeccable" des 4 accords toltèques.... je lançais un trait d'humour sur le physique d'une fille croisée dans la rue concernant son habillement un peu moulant pour des formes généreuses... jugement... en permanence, presqu'inconscient, trop habituel parce qu'on n'en voit pas le mal, ou qu'on le minimise.... pourtant c'était une critique à peine voilée
Alors Epictète lui va plus loin dans la discussion, plus "philosophique" que quotidien.
Mais je trouve qu'il pose un excellent champ de réflexion.
Accepter la critique sur soi même sans en faire un jugement auquel on s'identifie en bien ou en mal, et ne pas faire de la critique du jugement une facilité pour d’identifier à une pensée cristallisée.
Et j'aime beaucoup celle là
C'est le sujet parfait où l'on ne différencie plus la philosophie de la spiritualité.
D'ailleurs parfois je me demande si à vouloir séparer les mots n'est pas une offense à la pensée grecque dont la philosophie était bien loin d'être athée.
Les références religieuses sont naturelles dans la pensée grecque et pour preuve tiré de l'article
"Garde-toi de l’ostentation ou de la vantardise. Révèle la mission qui t’a été confiée par Zeus, par tes actes, et, même si personne ne le remarque, qu’il te suffise d’être toi-même en bonne santé morale et heureux." (Epictète, Entretiens, III, 24, 118)
Autre point pour aller dans le sens ou la séparation philosophie, religion, spiritualité est toute subjective, l'histoire du christianisme montre très clairement une rencontre entre la philosophie grecque et le mysticisme juif... pour rappel le mot "Dieu" dérive de "Zeus".
Cet aparté pour revenir à la notion du jugement soulevé par Epictète.
Quand j'ai lu cet article mardi matin, je me suis dit "mais tout est là... toute ma journée est là.. toutes mes réflexions sont là".
Pourquoi ?
Mais parce que tout est jugement, tout est adaptation à ce jugement des autres ou de soi même.
Je ne m'estime pas avancé et encore moins au point d'admettre que ma vie n'est pas une simple adaptation à des jugements.
S'habiller le matin, se raser, se doucher, avec un désir plus ou moins conscient de plaire à autrui ou aux codes de la société, n'est-ce pas une adaptation à un jugement que l'on prend pour soi, auquel on s'identifie ?
Surveiller ses paroles, être poli, faire de la communication diplomatique n'est-ce pas une réaction aux possibles jugements des autres, ou la façon dont on les juge ?
Tout ce quotidien qui est inconscient mais complètement emprunté à des jugements d'autrui sur soi, ou de soi sur autrui.
Je m'essaye souvent au jeu de @mimy à ne pas juger autrui.... je tiens rarement plus de 5 minutes en société.
Lors d'une soirée alors que je discutais passionnément et fièrement du "que ta parole soit impeccable" des 4 accords toltèques.... je lançais un trait d'humour sur le physique d'une fille croisée dans la rue concernant son habillement un peu moulant pour des formes généreuses... jugement... en permanence, presqu'inconscient, trop habituel parce qu'on n'en voit pas le mal, ou qu'on le minimise.... pourtant c'était une critique à peine voilée
Alors Epictète lui va plus loin dans la discussion, plus "philosophique" que quotidien.
Mais je trouve qu'il pose un excellent champ de réflexion.
Accepter la critique sur soi même sans en faire un jugement auquel on s'identifie en bien ou en mal, et ne pas faire de la critique du jugement une facilité pour d’identifier à une pensée cristallisée.
Et j'aime beaucoup celle là
Elle est difficile sur un forum, on la rencontre si facilement au point de ne pas livrer le meilleur de soi même quand on se sent blessé ou incompris."Souviens-toi que ce qui t’outrage, ce n’est ni celui qui t’injurie ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens t’outragent. Donc quand quelqu’un t’irrite, sache que c’est ton jugement de valeur qui t’irrite." (Arrien, Manuel d’Epictète, 20)
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Est-ce que l'on pourrait dire que lorsque l'on juge l'autre c'est dû à un manque de confiance en nous ?
Parce qu'on pourrait penser l'inverse, mais dans le fond, quand on juge l'autre c'est peut-être parce que l'on se sent "en danger" non ?
Parce qu'on pourrait penser l'inverse, mais dans le fond, quand on juge l'autre c'est peut-être parce que l'on se sent "en danger" non ?
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Je pense que le jugement est une fonction naturelle du mental, tout comme il classe les informations.
Ce n'est pas mal en soi, ce qui cause problème c'est l'identification au jugement comme une vérité.
Juger une personne toxique pour soi par exemple (comme il aurait pu l'être d'un discoureur à l'époque de Epictète), c'est par définition s'enfermer dans une dualité où tout ce qu'on juge néfaste devient faux, et tout ce qu'on juge bien devient vrai.
Autant dire que c'est vivre dans l'aveuglement qui n'apporte que peu de réflexion ou de liberté de penser, voir d'être.
Je ne crois pas que Epictète dise qu'il ne faille pas juger ou du moins en avoir l'information. Juste ne pas en être prisonnier.
Dans le jugement il y a un petit effet "prendre des vessie pour des lanternes".
Ce n'est pas mal en soi, ce qui cause problème c'est l'identification au jugement comme une vérité.
Juger une personne toxique pour soi par exemple (comme il aurait pu l'être d'un discoureur à l'époque de Epictète), c'est par définition s'enfermer dans une dualité où tout ce qu'on juge néfaste devient faux, et tout ce qu'on juge bien devient vrai.
Autant dire que c'est vivre dans l'aveuglement qui n'apporte que peu de réflexion ou de liberté de penser, voir d'être.
Je ne crois pas que Epictète dise qu'il ne faille pas juger ou du moins en avoir l'information. Juste ne pas en être prisonnier.
Dans le jugement il y a un petit effet "prendre des vessie pour des lanternes".
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Oui c'est vrai ce que tu dis, mais quand on juge sans savoir, sans connaître, à quoi cela est-il dû ?
Parce qu'il y a le jugement après avoir acquis des informations sur une personne ou un objet/évènement, et puis il y a le jugement que l'humain peut avoir avant, sur quoi s'appuie t'il à ce moment là si ce n'est sur lui-même ?
Qu'il soit "négatif" ou "positif" , ça reste quand même une d'évaluation par rapport à soi, aux valeurs, une perception uniquement personnelle etc donc complètement subjective.
Le jugement quand il est "non-justifié" (je sais que là aussi, c'est délicat, le jugement peut-il vraiment être justifié) est alors personnel et ramène à soi sans prendre en compte l'autre.
Je voudrais revenir sur un point que tu as soulevé dans ton post juste d'avant, je ne pense pas qu'on puisse le séparer de la spiritualité, parce que selon moi, il fait partie des bases d'une voie spirituelle, je ne pense pas me tromper en disant que toutes les voies, font référence au non-jugement et à l'acceptation, donc l'inverse est bien la non-acceptation à ce qui est comme l'explique Jean-Yves.
Parce qu'il y a le jugement après avoir acquis des informations sur une personne ou un objet/évènement, et puis il y a le jugement que l'humain peut avoir avant, sur quoi s'appuie t'il à ce moment là si ce n'est sur lui-même ?
Qu'il soit "négatif" ou "positif" , ça reste quand même une d'évaluation par rapport à soi, aux valeurs, une perception uniquement personnelle etc donc complètement subjective.
Le jugement quand il est "non-justifié" (je sais que là aussi, c'est délicat, le jugement peut-il vraiment être justifié) est alors personnel et ramène à soi sans prendre en compte l'autre.
Je voudrais revenir sur un point que tu as soulevé dans ton post juste d'avant, je ne pense pas qu'on puisse le séparer de la spiritualité, parce que selon moi, il fait partie des bases d'une voie spirituelle, je ne pense pas me tromper en disant que toutes les voies, font référence au non-jugement et à l'acceptation, donc l'inverse est bien la non-acceptation à ce qui est comme l'explique Jean-Yves.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Loryan a écrit:
Et j'aime beaucoup celle làElle est difficile sur un forum, on la rencontre si facilement au point de ne pas livrer le meilleur de soi même quand on se sent blessé ou incompris."Souviens-toi que ce qui t’outrage, ce n’est ni celui qui t’injurie ni celui qui te frappe, mais ton jugement qui te fait penser que ces gens t’outragent. Donc quand quelqu’un t’irrite, sache que c’est ton jugement de valeur qui t’irrite." (Arrien, Manuel d’Epictète, 20)
J'aime beaucoup celle-là aussi... Je la trouve très puissante...
"Si quelqu’un livrait ton corps au premier venu, tu serais indigné; mais, que tu livres ta disposition intérieure au premier venu, en sorte que, s’il t’injurie, celle-ci soit plongée dans le trouble et la confusion, tu n’éprouves pas de honte à cause de cela ?" (Arrien, Manuel d’Epictète, 28)
Kolam- Callisto
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Ce que j'aime dans le stoïcisme, c'est le conseil de ne pas faire dépendre son bonheur de l'autre. Nous ne sommes pas responsables de ce qui ne dépend pas de nous. Mais n'éludons pas trop vite notre responsabilité.
Pour être plus proche du sujet, il y a je crois une difficulté pour peser dans ce que dit l'autre la part de vérité et la part d'opinion, car nous le faisons de notre propre jugement.
Merci Kolam, voilà un beau sujet inépuisable ...
Pour être plus proche du sujet, il y a je crois une difficulté pour peser dans ce que dit l'autre la part de vérité et la part d'opinion, car nous le faisons de notre propre jugement.
Merci Kolam, voilà un beau sujet inépuisable ...
Alcyan- Amalthée
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Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Alcyan a écrit:
Pour être plus proche du sujet, il y a je crois une difficulté pour peser dans ce que dit l'autre la part de vérité et la part d'opinion, car nous le faisons de notre propre jugement.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Miw : " Est-ce que l'on pourrait dire que lorsque l'on juge l'autre c'est dû à un manque de confiance en nous ? Parce qu'on pourrait penser l'inverse, mais dans le fond, quand on juge l'autre c'est peut-être parce que l'on se sent "en danger" non ? "
Lory : " Je pense que le jugement est une fonction naturelle du mental, tout comme il classe les informations. Ce n'est pas mal en soi, ce qui cause problème c'est l'identification au jugement comme une vérité. "
Les pensées sont des énergies qui voguent à l'intérieur et à l'extérieur du corps. Elles n'appartiennent à personne et ne dépendent d'aucune cause. La question de Miwae pointe la racine de la souffrance, ici appliquée au jugement. La réponse de Loryan propose une piste de travail.
Rappelons qu'Epictète nous invite à nous tourner vers nous-même et à ne pas rejeter la responsabilité sur autrui. Il pousse l'introspection au point d'observer que la souffrance n'a qu'une cause, celle de ce que vous appelez " l'identification " à la pensée. Ainsi, il suffit (c'est bien une restriction) de voir la réalité d'une situation. Sous la critique se construit la vérité chère au philosophe.
Cependant, si Epictète évoque le processus intellectuel, logique, permettant d'accéder à une paix relative, il ne traite pas dans ces extraits de la difficulté véritable. La connaissance que nous souffrons par nous-même n'empêche pas le tourment. Comme le rappelle souvent ProfX, c'est par l'être et donc le rappel à soi que nous coupons l'illusion. L'enjeu ici se trouve donc dans la transition d'un état d'appropriation constant à l'abandon, également pointé comme l'absence d'identification.
L'absence de souffrance face au jugement s'appuie sur un paradoxe. Grâce au non -attachement à ce qui ne peut être abandonné, nous vivons tel que nous sommes. C'est une trajectoire dans l'énergie par un oubli de la conscience de soi. Qu'est-ce qui n'est pas abandonné ? La conscience de soi au travers du jugement. Qui abandonne la conscience de soi ? La conscience de soi. Ici se situe l'énigme. Comment ne pas juger si je ne peux m'introduire comme observateur du non-jugement ?
Ainsi que l'évoque le paragraphe précédent, le rappel de soi trouve également sa propre limite en ce qu'il est le dernier rempart de l'illusion. Aussi, pour se trouver hors du jugement, il ne faut pas ne pas juger mais que cela juge ou ne juge pas. Pour intégrer cette expérience, nous ne nous appuyons sur aucun préalable, aucune transition. Pourtant, c'est par l'énergie que nous transformons ce corps en expression sincère de cela.
L'évidence que rien ne change ne se peut trouver durablement si la moindre parcelle de conscience de soi existe. Alors travaillons sans travailler. Jugeons sans juger.
Lory : " Je pense que le jugement est une fonction naturelle du mental, tout comme il classe les informations. Ce n'est pas mal en soi, ce qui cause problème c'est l'identification au jugement comme une vérité. "
Les pensées sont des énergies qui voguent à l'intérieur et à l'extérieur du corps. Elles n'appartiennent à personne et ne dépendent d'aucune cause. La question de Miwae pointe la racine de la souffrance, ici appliquée au jugement. La réponse de Loryan propose une piste de travail.
Rappelons qu'Epictète nous invite à nous tourner vers nous-même et à ne pas rejeter la responsabilité sur autrui. Il pousse l'introspection au point d'observer que la souffrance n'a qu'une cause, celle de ce que vous appelez " l'identification " à la pensée. Ainsi, il suffit (c'est bien une restriction) de voir la réalité d'une situation. Sous la critique se construit la vérité chère au philosophe.
Cependant, si Epictète évoque le processus intellectuel, logique, permettant d'accéder à une paix relative, il ne traite pas dans ces extraits de la difficulté véritable. La connaissance que nous souffrons par nous-même n'empêche pas le tourment. Comme le rappelle souvent ProfX, c'est par l'être et donc le rappel à soi que nous coupons l'illusion. L'enjeu ici se trouve donc dans la transition d'un état d'appropriation constant à l'abandon, également pointé comme l'absence d'identification.
L'absence de souffrance face au jugement s'appuie sur un paradoxe. Grâce au non -attachement à ce qui ne peut être abandonné, nous vivons tel que nous sommes. C'est une trajectoire dans l'énergie par un oubli de la conscience de soi. Qu'est-ce qui n'est pas abandonné ? La conscience de soi au travers du jugement. Qui abandonne la conscience de soi ? La conscience de soi. Ici se situe l'énigme. Comment ne pas juger si je ne peux m'introduire comme observateur du non-jugement ?
Ainsi que l'évoque le paragraphe précédent, le rappel de soi trouve également sa propre limite en ce qu'il est le dernier rempart de l'illusion. Aussi, pour se trouver hors du jugement, il ne faut pas ne pas juger mais que cela juge ou ne juge pas. Pour intégrer cette expérience, nous ne nous appuyons sur aucun préalable, aucune transition. Pourtant, c'est par l'énergie que nous transformons ce corps en expression sincère de cela.
L'évidence que rien ne change ne se peut trouver durablement si la moindre parcelle de conscience de soi existe. Alors travaillons sans travailler. Jugeons sans juger.
Aimelavie- Quetzálcoatl
-
Messages : 75
Date d'inscription : 13/05/2018
Localisation : Valenciennes
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
J'apprécie beaucoup les penseurs grecs, et tout ce qui est dit ci-dessus, en revanche, je ne crois pas qu'on puisse dire qu'on ne peut rien faire concernant les jugements qu'on porte sur nous, ou concernant les actes dont on nous gratifie, car les choses ne surviennent pas par hasard, mais par effet miroir et karmique.
Si on accueille les choses comme venant du Divin, si toute chose est une occasion de rendre grâce, d'ouverture du Coeur, et de reconnaissance qu'on a attiré ce qui nous arrive, on bascule l'effet miroir, et tout change à terme. Plus on est sincère, plus le basculement est rapide, car se positionner au-delà de tout jugement requiert la Grâce, ça ne relève pas que de notre volonté, c'est un positionnement transcendant.
Si on nous juge mal et de façon injuste, on ne tient pas compte de la nature de la remarque, mais on l'accueille comme venant de la Justice immanente ou de Dieu.
Si on nous balance une critique juste, c'est une aide divine pour nous avertir de nous améliorer.
Sinon, je crois qu'il faut distinguer quelque chose d'important dans le jugement :
on doit s'efforcer de ne pas juger les hommes, en revanche, tant qu'on n'est pas éveillé, juger les comportements me parait inévitable. C'est l'enseignement des Sages : juger les actes si on est amené à discerner et à choisir, mais ne pas juger l'homme.
La nuance est essentielle.
Jugeons sans juger, comme le dit Aimelavie.
Si on accueille les choses comme venant du Divin, si toute chose est une occasion de rendre grâce, d'ouverture du Coeur, et de reconnaissance qu'on a attiré ce qui nous arrive, on bascule l'effet miroir, et tout change à terme. Plus on est sincère, plus le basculement est rapide, car se positionner au-delà de tout jugement requiert la Grâce, ça ne relève pas que de notre volonté, c'est un positionnement transcendant.
Si on nous juge mal et de façon injuste, on ne tient pas compte de la nature de la remarque, mais on l'accueille comme venant de la Justice immanente ou de Dieu.
Si on nous balance une critique juste, c'est une aide divine pour nous avertir de nous améliorer.
Sinon, je crois qu'il faut distinguer quelque chose d'important dans le jugement :
on doit s'efforcer de ne pas juger les hommes, en revanche, tant qu'on n'est pas éveillé, juger les comportements me parait inévitable. C'est l'enseignement des Sages : juger les actes si on est amené à discerner et à choisir, mais ne pas juger l'homme.
La nuance est essentielle.
Jugeons sans juger, comme le dit Aimelavie.
Ptah- Makemake
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Messages : 1783
Date d'inscription : 17/06/2018
Localisation : Temple intérieur
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Nous ne devrions ni juger autrui ni soi-même.
Dernière édition par Sofiane le Ven 31 Aoû 2018 - 14:30, édité 2 fois
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Un extrait des "Pensées pour moi-même" de Marc-Aurèle, me semble intéressant en ce qui concerne la prise de recul à propos du jugement d'autrui (on peut garder à l'esprit que c'est écrit par un Empereur peut-être... c'est un poil élitiste... mais on peut en tirer quelque chose je pense) :
Le matin, dès qu’on s’éveille, il faut se prémunir[1] pour la journée en se disant : « Je pourrai bien rencontrer aujourd’hui un fâcheux, un ingrat, un insolent, un fripon, un traître, qui nuit à l’intérêt commun ; mais si tous ces gens-là sont affligés de tant de vices, c’est par simple ignorance de ce que c’est que le bien et le mal. » Quant à moi, considérant la nature du bien qui se confond avec le beau et celle du mal qui se confond avec le laid ; considérant en même temps que celui qui se met en faute à mon égard se trouve, par le décret de la nature, être de ma famille, non pas qu’il vienne d’un même sang et d’une même souche, mais parce qu’il participe aussi bien que moi à l’intelligence et à l’héritage divin, je me dis deux choses : d’abord que nul d’entre ces gens ne peut me faire le moindre tort, puisque aucun ne peut me faire tomber dans le mal et le laid ; et en second lieu, que je ne puis éprouver ni de la colère ni de la haine contre un membre de la famille à laquelle j’appartiens moi-même. Nous sommes tous faits pour concourir à une œuvre commune, comme dans notre corps y concourent les pieds, les mains, les yeux, les rangées de nos dents en haut et en bas de la mâchoire. Agir les uns contre les autres est donc certainement manquer à l’ordre naturel. Or, c’est agir en ennemi que de se laisser aller à son dépit et à son aversion contre un de ses semblables.
Méhen- Amalthée
-
Messages : 281
Date d'inscription : 21/08/2018
Localisation : Montpellier
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Merci pour ce passage, je découvre Marc-Aurèle, juger l'autre revient à se juger soi-même puisque l'autre est moi.
Et comme le dis Path : "juger les actes si on est amené à discerner et à choisir, mais ne pas juger l'homme."
Et comme le dis Path : "juger les actes si on est amené à discerner et à choisir, mais ne pas juger l'homme."
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Miwae a écrit:Est-ce que l'on pourrait dire que lorsque l'on juge l'autre c'est dû à un manque de confiance en nous ?
Parce qu'on pourrait penser l'inverse, mais dans le fond, quand on juge l'autre c'est peut-être parce que l'on se sent "en danger" non ?
Il existe plusieurs raisons de mon point de vue : en effet, nous sommes portés à juger lorsque nous manquons de confiance en l'autre et en soi; également quand l'ignorance qui nous habite nous envahit et par conséquence, génère la peur de l'autre et de soi, etc. Mais c'est toujours l'absence d'Amour qui nous pousse à commettre l'irréversible.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
Merci Kolam et tous pour ce fil très intéressant.
Vous avez déjà tout dit; peut-être rajouter ce que je ressens ces dernières semaines:
Plus on apprend à se connaitre au travers du regard de l'autre ou en s'observant, et plus on s'accepte et plus on voit l'autre comme faisant des erreurs comme nous par ignorance ou par peur, et plus on éprouve de la compassion, de l'Amour comme dit Sofiane. Alors, on sait que les autres sont un autre soi-même et on s'aperçoit qu'on n'a plus besoin, ni de se juger, ni de juger autrui.
Vous avez déjà tout dit; peut-être rajouter ce que je ressens ces dernières semaines:
Plus on apprend à se connaitre au travers du regard de l'autre ou en s'observant, et plus on s'accepte et plus on voit l'autre comme faisant des erreurs comme nous par ignorance ou par peur, et plus on éprouve de la compassion, de l'Amour comme dit Sofiane. Alors, on sait que les autres sont un autre soi-même et on s'aperçoit qu'on n'a plus besoin, ni de se juger, ni de juger autrui.
Invité- Invité
Re: Jugement de l’autre et jugement de soi.
je vous recommande un livre:
Epictete était un esclave affranchi de ROME, exilé en GRECE.. son gout pour la justice entre les hommes et sa sympathie envers autrui. le stoïcisme étant aussi spirituel, parce que Épictète avait un Dieu.
j'en retiens son profond respect pour la nature.
mais ce que je pense c'est qu'il lui a fallut un jugement personnel pour se délivrer de l'esclavage des Romains.le sens de ce texte est bien plus profond .
trés intéressant . Merci.
Epictete était un esclave affranchi de ROME, exilé en GRECE.. son gout pour la justice entre les hommes et sa sympathie envers autrui. le stoïcisme étant aussi spirituel, parce que Épictète avait un Dieu.
j'en retiens son profond respect pour la nature.
mais ce que je pense c'est qu'il lui a fallut un jugement personnel pour se délivrer de l'esclavage des Romains.le sens de ce texte est bien plus profond .
trés intéressant . Merci.
Invité- Invité
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